Un jour viendra sans doute où l’on reconnaîtra en Ahmed Ben Salah plus que l’homme d’État, tantôt avisé tantôt leurré, le seul de sa génération à avoir porté un véritable projet de société ; restant imperturbable face à un Bourguiba, maître du jeu, imprévisible et capable des retournements les plus violents.
Ce jour-là, l’on identifiera en Ben Salah, le grand auteur, à la plume sûre et acérée, au verbe subtil et serré, un des plus importants penseurs tunisiens, accomplissant dans la théorie politique ce qu’un Messaâdi a donné à la prose ou un Chabbi à la poésie. Bref, ce visionnaire est un philosophe accompli, qui a reconduit pour son propre compte ce geste inhérent à toute pensée engagée : l’ambition de transformer la cité.
Précédé d’un important texte inédit, cet ouvrage, à l’origine une thèse de Doctorat d’État soutenue à l’Université de la Sorbonne, est le produit d’une vaste culture, sociale, sociologique, économique et littéraire, mettant en relief les transformations structurelles, mentales et politiques de la Tunisie ; une réunion de savoirs mis à la disposition du pays tant aimé, où faisait encore défaut un véritable bilan des dix années qui l’ont vu renaître à la liberté et à la reprise en main de son destin.
L’auteur :
Ahmed Ben Salah est né en 1926 à Moknine, dans le Sahel tunisien, il gravit très tôt les échelons de la vie politique à la faveur de son charisme et de sa détermination.À 18 ans, Moncef Bey le choisit comme officier de liaison avec les dirigeants du Néo-Destour, à 28 ans, il est déjà à la tête de la puissante centrale syndicale l’UGTT, succédant ainsi à Farhat Hachad. Son ascension est alors fulgurante, Bourguiba lui confie dès 1957 les départements de la Santé Publique et des Affaires Sociales puis, en tant que porteur d’un projet socialiste, il le charge du Plan, des Finances, de l’Economie Nationale, de l’Agriculture et enfin de l’Education Nationale et ce jusqu’en 1969. Son projet et son parcours sont alors brutalement interrompus : condamné à 10 ans de travaux forcés, il s’évade en 1973 et part en exil. Rentré en Tunisie, il est aujourd’hui régulièrement sollicité en tant qu’auteur et témoin majeur de cette période de l’histoire tunisienne.