Lettre de Bourguiba à Mendés France

Monsieur  Le Président et Cher Ami,

 

C’est avec un grand intérêt et un sentiment de soulagement que j’ai lu la déclaration que vous venez de signer, avec deux éminentes personnalités, pour lancer un appel courageux en faveur du recours à la raison et de la recherche de la paix entre Palestiniens et  Israéliens.

Mon intérêt est d’autant plus vif que je retrouve dans votre démarche l’esprit qui a animé mon initiative de 1965 quand j’avais suggéré le retour à la légalité internationale, comme étant la seule voie susceptible de concilier deux nationalismes, le palestinien et l’israélien, revendiquant une même terre.

Le fait que Monsieur Yasser Arafat, leader de la résistance palestinienne,  ait salué votre initiative comme une contribution appréciable dans la voie de la paix et que, peu de temps après cent mille israéliens soient descendus dans la rue pour réclamer la paix, me donnent à penser que l’épineuse question du Moyen-Orient a maintenant muri et qu’il est temps de dépasser les fanatiques et les fanatismes de tous bords pour établir la paix et la sécurité de tous les pays de la région.

J’estime que le moment est venu pour l’Europe, si elle entend réellement contribuer à la recherche d’une solution au conflit du Moyen-Orient, de se prononcer définitivement et sans ambigüité pour une reconnaissance du peuple palestinien et de son expression politique unique, l’Organisation pour la libération de la Palestine, dont les derniers événements ont bien montré la représentativité, la maturité et le sens élevé des responsabilités.

Monsieur Le Président,

La vieille amitié qui nous unit et qui m’a permis d’apprécier vos qualités de courage et de lucidité m’autorise aujourd’hui à faire appel è vous pour poursuivre vos efforts avec vos éminents cosignataire, qui ont leur poids non seulement auprès de la communauté juive mais aussi sur la scène internationale, afin de réparer une grande injustice et d’instaurer une paix stable et durable fondée nécessairement sur la cohabitation et le respect mutuel.

En vous renouvelant l’expression de mon admiration et de mon affection, je vous prie de croire, Monsieur Le Président et cher Ami, à ma haute considération.

 

HABIB BOURGUIBA

PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE TUNISIENNE

 

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